Dans un papier de la Taillin University of Technology, la chercheuse Ebru Metin, fondatrice de « Legal Design Turquie », qui se revendique comme la première entreprise de legal design dans le pays, marie les principes de la « stakeholders theory » et du legal design. Cette approche théorique innovante cherche à encourager le respect pro-actif par les entreprises de leurs objectifs ESG. La chercheuse, qui a cumulé au cours de sa carrière les rôles d’avocate, entrepreneur et chercheur nous explique avoir perçu des changements législatifs majeurs et une appréhension « difficile et prêtant à confusion » pour des « personnes aux parcours de carrière différents, quelque soit leur département ou poste ».
L’apport du legal design dans le cadre de la poursuite d’objectifs ESG
Le legal design, déjà documenté dans ce blog, est l’application dans le domaine juridique de l’approche dite de « design thinking ». En clair, il s’agit de simplifier l’accès au droit par le recours à des schémas visuels, à un langage simplifié mais non simplificateur. Une démarche orientée utilisateur ou lecteur qui permet de rendre l’information juridique plus accessible et moins complexe.
Comme le souligne le papier de la chercheuse, qui croise plusieurs disciplines , « le rôle du legal design pour rendre le droit plus abordable est crucial, il améliore la compréhension en réduisant le fardeau cognitif ». Selon la Legal Design Alliance, l’utilisation pro-active du legal design peut aussi empêcher la survenue de problèmes et de conflits.
L’apport du legal design à l’atteinte des objectifs ESG a déjà été documenté à plusieurs reprises, notamment dans un papier d’Anthony Charles de Novaes da Silva Fellipe Camara Branco D’Oliveira. Les chercheurs y voient une symbiose nécessaire « Pour tous les axes de l’acronyme ESG, le legal design a un outil y correspondant et des bénéfices. L’utilisation d’éléments visuels, d’une information hiérarchisée et de techniques de design et d’écritures facilite la compréhension et augmente la pertinence de l’information». Un des principaux domaines selon Ebru Metin « auquel les entreprises accordent la priorité est la performance ESG pour lesquelles les réglementations imposent des obligations internes et externes ».
Mettre au service des communautés de parties prenantes les outils de Legal Design
Dans son document qui se base sur une analyse qualitative assez exhaustive de précédents papiers, sans cas d’étude empirique en revanche, le legal design est combiné aux principes dits de « Stakeholder Theory ». Comme le rappelle son document, ce principe conceptualisé d’abord par Freeman en 1984 incite les entreprises à considérer les intérêts de toutes les parties concernées par leurs opérations. Ceci afin de les mettre en balance avec les objectifs des actionnaires dans leur prise de décisions avec les enjeux sociaux et environnementaux. Ce qui demande aux entreprises de mettre en œuvre des échanges réguliers avec les investisseurs, collaborateurs, clients, fournisseurs, communautés, autorités de régulation. Le papier relève que ces deux principes bien que provenant « de disciplines différentes, partagent un objectif commun, d’encourager la transparence, l’inclusivité et la confiance dans le respect des objectifs ESG ».
Comment animer les échanges avec les parties prenantes? L’idée est de s’appuyer sur les outils de legal design pour faciliter l’accès à l’information de toutes les communautés intéressées. Dans les exemples de mise en œuvre proposés, il s’agirait de rendre plus visuelle et accessible la transcription de métriques et d’indicateurs ou de données techniques. Créer un environnement multiculturel et intuitif qui facilite l’engagement des différentes parties prenantes dans des plateformes collaboratives permettrait aussi de lever les barrières à l’information. En rendant l’information légale plus accessible et en engageant les parties prenantes, les organisations peuvent créer un climat de confiance. Quitte même à imaginer des espaces de co-design avec les parties prenantes pour mettre au point les espaces collaboratifs nécessaires.
Parmi les exemples d’utilisation concrète du legal design au service des piliers de l’ESG, Ebrun Metin propose celui de Creative Contracts, une entreprise sud-africaine qui a mis au point des contrats sous forme de bande dessinée pour ses travailleurs saisonniers de manière à encourager l’inclusion sociale.
De manière générale l’idée du papier est d’encourager la proactivité. Selon l’analyse de la chercheuse, « des stratégies proactives en matière de droit et de gouvernance peuvent renforcer davantage l’intégration des principes ESG ».
Une stratégie qui n’est pas à somme nulle pour une entreprise. Mettre en place plus de transparence en termes de reporting ESG pourrait aussi contribuer à la performance financière, soit une boucle vertueuse qui in fine diminue le coût du capital.