Liaisons Sociales : Que recouvre la Suite IA de Forvis Mazars, votre programme d’intégration de l’IA ?
Guillaume Ravix : Lancée officiellement début octobre, la Suite IA de Forvis Mazars est portée depuis plusieurs mois par les membres de notre Comex. Son ambition de départ est assez simple : il s’agit de capitaliser sur les opportunités offertes par l’intelligence artificielle pour créer toujours plus de valeur pour nos clients, le tout dans un contexte de mutation profonde des métiers de l’audit et du conseil. Ce programme se décline en trois niveaux : l’usage de Copilot, l’outil IA de Microsoft Office ; l’usage d’une IA générative « maison » que nous avons baptisée MAIA ; l’intégration de cette IA dans les solutions mises à la disposition de nos clients. La Suite IA de Forvis Mazars et les opportunités technologiques qu’elle génère ont bien évidement des conséquences majeures. Pour pouvoir se servir à bon escient de ces technologies, pour créer de la valeur pour nos clients, il est impératif d’accompagner nos salariés sur ces usages émergents. Plus globalement, en tant qu’entreprise de services, notre capital humain est une ressource fondamentale. Les femmes et les hommes qui composent notre corps social sont nos forces vives sur le terrain auprès de nos clients. Le seul avantage compétitif durable pour nous, c’est donc d’investir en continu sur le développement des compétences. A fortiori sur le sujet de l’intelligence artificielle.
LS : Comment l’intelligence artificielle transforme-t-elle les métiers de Forvis Mazars ?
G. R. : L’IA transforme nos métiers à plusieurs niveaux. Tout d’abord, comme dans de très nombreuses organisations, elle impacte les salariés qui utilisent dans leur activité des outils informatiques en bureautique, et ce, quel que soit le métier ou l’entreprise. Ces usages-là, nous commençons à bien les connaître : cela concerne l’analyse de textes, la génération de résumés, de l’idéation… Cela fait aussi partie des sujets sur lesquels nous accompagnons nos collaborateurs. Concernant les usages spécifiques à nos métiers, il y a par exemple tout ce qui va toucher à l’automatisation et à l’optimisation de rapports d’audit et financier, à l’analyse de données non structurées, la proposition de recommandations, de commentaires… A ce niveau, nous utilisons « MAIA », notre solution d’IA générative élaborée par nos équipes de recherche et développement. C’est une IA qui fonctionne de manière sécurisée et hermétique. Elle fournit des informations 100 % protégées, sourcées et fiables. « MAIA » facilite grandement le travail de nos auditeurs qui peuvent se concentrer sur des tâches plus stratégiques. L’outil va également leur permettre de détecter plus facilement des anomalies, et, grâce à l’analyse prédictive, d’anticiper les risques et les erreurs potentielles. Sur la partie conseil, on va pouvoir utiliser notre IA pour analyser tout un corpus de documents auparavant traités manuellement, telles que des propositions commerciales, des briefs, des synthèses de tendance marché…
LS : Comment votre DRH utilise-t-elle l’IA ? Pour quels types d’applications ?
G. R. : Nous utilisons l’IA pour améliorer la performance de nos recrutements. Cela va de l’aide à la rédaction des annonces, en passant par la recherche d’intitulés de poste qui sortent des sentiers battus. L’IA permet aussi de gagner en qualité rédactionnelle. Nous allons en outre utiliser l’intelligence artificielle pour bâtir le vaste projet que nous venons d’initier dédié au développement des compétences. Celui-ci se fonde sur une « skills-based organization » (organisation basée sur les compétences, NDLR). L’IA y sera utilisée pour analyser les parcours des collaborateurs, leurs formations et leurs évaluations de performance, permettant ainsi une meilleure projection de carrière et un accompagnement plus ciblé. L’IA va nous aider à consolider des données qui sont aujourd’hui éparpillées dans plusieurs outils et qu’un SIRH a du mal à interfacer. L’IA est également précieuse en matière de conception pédagogique et d’élaboration de plans de formation adaptés aux besoins des collaborateurs. Enfin, de manière plus générale, nous recourons à l’IA en RH pour itérer sur des sujets. Concrètement, cela nous aide en phase de conception d’un projet à trouver des idées. Par exemple, nous organisons chaque année un séminaire sur la mixité en entreprise. Pour le préparer, j’ai demandé à chaque personne de l’équipe de trouver des idées nouvelles en utilisant notamment une version sécurisée de Copilot que nous utilisons dans le cadre de notre contrat avec Microsoft. Dans cette phase amont, nous avons gagné beaucoup de temps grâce à l’IA. Nous avons ensuite confronté les propositions en réunion. L’enjeu est de bouger aussi vite que le monde qui nous entoure. En tout cas, c’est pour ça que j’ai rejoint Forvis Mazars il y a un an parce que j’ai senti cette énergie.
LS : Comment votre plan de formation à l’IA va-t-il se décliner ?
G. R. : Il est très ambitieux puisqu’il vise à former l’ensemble de nos collaborateurs en France, soit 5 000 personnes pendant 18 mois. Il s’articule autour de trois phases : l’acculturation, le passage à l’action, et l’approfondissement. Il prévoit des modules d’apprentissage variés, allant de classes virtuelles à des outils intégrés aux environnements de travail pour des exercices pratiques en temps réel. Nous mettons un point d’honneur à rendre ces contenus accessibles et désirables, conscients que la formation est cruciale pour rester compétitif dans un environnement où l’IA évolue rapidement. L’objectif de l’acculturation, est de faire en sorte que nos collaborateurs parlent un langage commun. Qu’est-ce que l’IA générative ? Quelles sont ses opportunités ? Quels sont les risques ? Quelles sont les précautions à prendre ? Qu’est-ce qu’un prompt ? Autant de questions auxquelles nous apportons des réponses. Même si nous avons des salariés à l’aise avec ces notions, il convient de nous assurer que nous embarquons bien tout le monde. Il s’agit aussi de démystifier l’IA, tout en expliquant que cette technologie est vitale pour l’employabilité. L’essentiel de notre deuxième étape consiste à animer des communautés d’apprenants pour provoquer du « passage à l’action » via notamment des outils de « learning on the job ». Nous avons une troisième brique qui s’adressera à un nombre moins élevé de personnes. C’est une étape d’approfondissement qui concerne essentiellement nos métiers IT. Ici il est question de développer des agents conversationnels, de faire de la programmation, de travailler avec des LLM (Large Language Model).
L’ensemble de ce dispositif est soutenu par notre « Académie digitale », qui est le carrefour de nos apprentissages numériques. Elle inclut des parcours sur la data, l’IA et le Web3. Cette académie vise à fournir aux collaborateurs les compétences nécessaires pour évoluer dans leurs métiers respectifs tout en s’adaptant aux nouvelles technologies. En conclusion, nous misons sur une stratégie IA qui repose sur trois piliers : la recherche et développement, l’usage des nouvelles technologies, la formation et le développement des compétences, avec pour ambition ultime d’offrir toujours plus de valeur à nos clients.
LS : Quels sont vos prochains chantiers RH ?
G. R. : Je citerai celui sur les compétences que j’ai déjà mentionné. Un chantier RH vraiment capital qui va nous occuper dans les mois qui viennent. L’objectif est d’accorder dans l’entreprise une place centrale à la compétence. C’est la promesse, pour chaque collaborateur qui nous rejoint, de se dire « dans cette entreprise, je peux avoir un parcours unique, un parcours qui me ressemble ». Ce sera un marqueur RH extrêmement différenciant.