L’IA générative, une technologie gourmande et nocive pour l’environnement qui demande un usage responsable


L’IA générative, une technologie gourmande et nocive pour l’environnement qui demande un usage responsable
Les entreprises, cabinets d’avocats et professions juridiques ont tout à gagner à déployer l’IA générative dans leur environnement de travail. Capable de produire des analyses juridiques, de simplifier les recherches, d’aider à la rédaction des contrats, de vérifier des points de doctrine, l’IA peut décharger de tâches chronophages et apporter une aide intellectuelle précieuse. Pour autant ce bouleversement technologique masque une réalité moins enviable. L’IA, en tant que technologie très gourmande en énergie a un impact non négligeable sur l’environnement.

Des modèles très gourmands en énergie

Aussi bien l’entraînement (le test des modèles sur d’importants volumes de données) que l’utilisation des modèles d’IA par l’usager ont un coût énergétique important. Plusieurs chiffres, pas tous documentés attestent de cette explosion.

Une requête sur Chatgpt serait 10 fois plus gourmande en énergie qu’une requête Google. Et ce serait pire pour la création d’images ou de vidéo. Selon une étude de 2024 Carnegie Mellon/Hugging Face, la génération de vidéo sur demande serait 60 fois plus gourmande en énergie que la génération de texte (2.907 kWh contre 0.047kWh) et bien plus émettrice de CO2. « Il est difficile d’évaluer précisément la consommation d’énergie des utilisations des LLM », tempère Mick Levy, auteur et conférencier. Ainsi on trouve beaucoup de publications non sourcées sur ce sujet. Et il y a une opacité totale des grands fournisseurs tech sur les consommations réelles. Et puis tout dépend du type de prompt, qui peut induire des consommations susceptibles de varier de 1 à 250. »

De la requête utilisateur aux datacenters, le poids de l’écosystème

Mais l’utilisateur final n’est pas seul responsable des impacts sur l’environnement des technologies d’IA générative, loin de là. « C’est une vision écosystème qu’il faut amener », indique Mick Levy, qui est aussi directeur Stratégie & Innovation chez Orange Business. Le recours à l’IA induit une hausse des calculs centralisés dans des datacenters, dont le nombre est en forte inflation, partout dans le monde. Si l’on veut se baser sur des données vérifiées, il faut alors s’appuyer sur les rapports ESG des entreprises. Ainsi Google a annoncé une augmentation de ses émissions de CO2 de 48% entre 2019 et 2023. Pour Microsoft la hausse est de 34%, et si ces hausses ne sont pas uniquement liées à l’IA, l’IA y contribue fortement. »

Un rapport du CESE lève le voile sur ces infrastructures énergivores. « Comme toutes les technologies numériques, la base matérielle [de l’IA, ndlr] (centres de données, composants informatiques, objets connectés, consommation d’énergie, etc.) est d’abord passée inaperçue ». Désormais, les fameux centres de données (datacenters) qui mettent à contribution serveurs, réseaux et systèmes de refroidissement sont dans le viseur. Le dernier rapport de l’Agence Internationale de l’Énergie (2025) indique que la consommation d’électricité des centres de données devrait « plus que doubler » d’ici à 2030.

Autre chiffre, selon le position paper développé par l’INRIA et le Ministère de la Transition écologique en février 2025, « les technologies numériques représentent jusqu’à 12 % de la consommation mondiale d’électricité », un rythme qui ne sera pas absorbé par la production renouvelable. « Le rythme du développement de l’IA dépasse largement celui de la capacité de production d’électricité à partir de sources d’énergie renouvelables telles que les panneaux photovoltaïques ou les éoliennes ». Et la tendance à la hausse, des modèles, toujours plus performants, plus volumineux, plus gourmands en puissance de calcul devrait aggraver l’impact sur l’environnement.

Alors certes, faire référence aux technologies numériques, c’est dépasser largement le cadre de l’IA. Mais l’essor de l’IA et les puissances de calcul ainsi que le volume de données mobilisées sont sans précédent.

Un impact environnemental connu mais caché du grand public et des professionnels. « L’empreinte environnementale de l’IA est minimisée. On met souvent en exergue les risques de l’IA sur l’emploi, les métiers qui seraient appelés à disparaître. Mais ils sont la partie émergée de l’iceberg. Les risques fondamentaux de l’IA sont ceux affectant l’environnement et ils nous sont cachés», relève encore Mick Levy.

Quelle utilisation vertueuse de l’IA pour les entreprises ?

Connaissant les impacts sur l’environnement, faut-il se passer de l’IA ?  Face à l’irruption technologique qu’elle représente, la vraie question est plutôt de « trouver une voie pour le développement de l’IA qui concilie la préservation de notre planète et l’innovation », selon le document de l’INRIA. Plusieurs recommandations sont dressées dans le document à l’usage des concepteurs. Le document recommande notamment l’utilisation de modèles spécialisés et agiles, ce qui permet de privilégier des algorithmes plus légers. Le document recommande également d’appliquer les principes de l’économie circulaire au matériel utilisé pour les usages d’IA et d’intensifier le recyclage.

Pour les professionnels, et notamment ceux du secteur juridique, il faut avoir recours à l’IA frugale, c’est-à-dire de manière la plus responsable possible. « Les entreprises doivent s’intéresser aux coûts environnementaux cachés et gagner en conscience afin d’inviter chaque utilisateur à une utilisation raisonnée, recommande Mick Levy. Par exemple, l’IA n’est pas un bon outil pour le « search » (la recherche ndlr), pour cela il vaut bien mieux passer par les requêtes Google. On pourrait aussi citer les exemples de génération de « starter pack » qui n’apportent vraiment rien à la productivité. Dans l’idéal, il faudrait pour chaque usage se demander si l’IA est vraiment la bonne réponse et adapter les outils en conséquence.»

Marine Landau
Journaliste