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Pouvez-vous nous présenter AUDIRECT et nous expliquer ce que c’est ?
AUDIRECT est portée par une équipe composée de trois élèves-avocates de Montpellier (Ecole des avocats Centre-Sud EDACS), Laura Bièvre, Lucie Lussan et Lucie Fleury et d’un développeur, Loïck Meyer, tou(te)s animé(e)s par la même volonté : simplifier le quotidien des professionnel(le)s du droit, plus particulièrement celui des avocats(e)s. Le projet a été lauréat de la dernière édition du Concours Projets Innovants organisé par l’Observatoire du Conseil national des barreaux (CNB).
Pour répondre à la problématique de gestion du temps, l’équipe a créé une plateforme numérique : AUDIRECT.
La solution est simple, AUDIRECT comporte deux interfaces. La première (AUDIRECT MANDATEMENT) concerne les audiences de mise en état et permet d’organiser et de numériser la substitution en audience. La seconde (AUDIRECT PLAIDOIRIE) concerne les audiences de plaidoirie et permet à l’avocat(e) utilisateur(rice) de suivre l’avancée de l’appel des causes et, de fait, son heure effective de passage.
Quel problème concret des avocat(e)s cherchez-vous à résoudre avec AUDIRECT ?
Selon une étude, 22 % des jeunes avocats(e)s quittent la profession avant d’atteindre la dixième année d’exercice. Parmi les principaux risques psychosociaux identifiés au sein de la profession figurent la surcharge mentale, l’imprévisibilité des horaires, la difficulté de concilier vie professionnelle et vie personnelle, ainsi qu’un sentiment d’isolement. AUDIRECT vise à répondre concrètement à ces enjeux en apportant une solution conçue pour alléger la charge mentale des avocat(e)s au quotidien.
La plupart des barreaux ont mis en place des services destinés à aider les avocat(e)s à mieux gérer leur temps, comme le mandatement commun. Ce dispositif permet à plusieurs confrères et consoeurs d’un même barreau (les mandants) de mutualiser leur présence au palais de justice, notamment pour les audiences de mise en état, en confiant à un(e) seul(e) avocat(e) présent(e) (le mandataire) le soin de transmettre leurs instructions à la juridiction.
Cependant, de nombreux(ses) avocat(e)s expriment aujourd’hui leur insatisfaction quant au fonctionnement de ce service. En cause : un système encore largement fondé sur la transmission des consignes via une fiche papier, souvent incomplète, illisible, ou égarée, ce qui compromet la bonne exécution de la mission. Il en résulte un risque réel de mauvaise, voire de non-transmission des instructions aux magistrat(e)s, affectant ainsi le déroulement des audiences.
Ce service illustre parfaitement les limites des outils actuels. C’est pourquoi nous souhaitons moderniser ces pratiques en les numérisant, pour en améliorer la fiabilité, la traçabilité et l’accessibilité. Plus largement, notre ambition est de développer une suite d’outils concrets à destination des avocat(e)s, pour leur permettre de reprendre la main sur leur temps et alléger leur charge mentale au quotidien.
Comment fonctionne concrètement l’application AUDIRECT pour un(e) avocat(e) ?
AUDIRECT simplifie radicalement la logistique des audiences, qui est souvent chronophage et source de stress.
D’abord, grâce à l’interface MANDATEMENT, l’avocat(e) peut mandater un confrère ou une consoeur pour une audience de mise en état en quelques clics, avec une traçabilité claire et des garanties sur la bonne exécution de la mission. Fini les échanges multiples, les relances, les incertitudes sur la prise en charge de l’audience : tout est centralisé, sécurisé, et automatisé.
Ensuite, l’interface PLAIDOIRIE permet à ce qu’un(e) avocat(e) référent(e) effectue l’appel des causes des dossiers de ses confrères et consoeurs (utilisateurs). Notre plateforme éditera en amont un ordre de passage tenant compte des usages du barreau. Une fois l’appel des causes réalisé, l’avocat(e) référent(e) mettra à jour au fur et à mesure de l’avancée de l’audience la plateforme. Les avocat(e)s utilisateur(rice)s seront notifié(e)s de cette avancée.
En quoi AUDIRECT permet-il spécifiquement de mieux gérer le temps de l’avocat(e) et de réduire sa charge mentale lors des audiences ?
AUDIRECT permet de mieux gérer le temps de l’avocat(e) et de réduire sa charge mentale en automatisant et en fluidifiant l’organisation des audiences, qui représente aujourd’hui une charge logistique souvent invisible mais très pesante.
Concrètement, grâce à AUDIRECT : l’avocat(e) ne perd plus de temps à chercher un confrère ou une consoeur disponible pour le représenter à une audience. La plateforme indique l’avocat(e) mandataire ou l’avocat(e) référent(e) sur l’audience. Le confrère ou la consœur n’a plus qu’à lui transmettre ses instructions.
La mission est encadrée, tracée, sécurisée, ce qui rassure l’avocat(e) et lui évite les relances, les oublis ou les erreurs d’audience.
Le calendrier est centralisé et synchronisé, ce qui donne une visibilité claire sur les audiences confiées ou reçues, et permet une meilleure organisation de la journée, sans dispersion.
Enfin, en permettant de déléguer facilement les audiences à faible enjeu, AUDIRECT libère du temps pour les tâches à plus forte valeur ajoutée (conseil, stratégie, rédaction, relations clients etc.), réduisant ainsi la charge mentale liée à la gestion opérationnelle.
Vous étiez élèves-avocates à l’EDACS Montpellier. Comment votre expérience ou vos observations pendant vos études ont-elles nourri l’idée de ce projet ?
Notre expérience à l’EDACS Montpellier a été déterminante dans la genèse du projet AUDIRECT. Nous étions à peine élèves-avocates que nous avons très tôt constatés que cette profession exigeante et engagée souffre de nombreux maux (stress, perte de temps, sentiment de désorganisation, etc.).
Nous avons aussi observé à quel point cette logistique pesait sur les avocats(e)s, en particulier les plus jeunes ou ceux et celles exerçant seul(e)s.
C’est à partir de ces constats très concrets, vécus depuis l’intérieur de la profession, que l’idée d’une solution numérique simple, fiable et respectueuse de la déontologie a émergé. AUDIRECT est née de cette volonté : moderniser une pratique utile mais perfectible, et proposer aux avocat(e)s des outils conçus à partir de leurs besoins réels.
Vous avez remporté le Prix des Incubateurs. Qu’est-ce que cela représente pour vous de gagner ce prix, dont le jury est majoritairement composé de représentants d’incubateurs et d’acteurs de l’innovation ?
Remporter le Prix des Incubateurs a une valeur très particulière pour nous, car il s’agit d’une reconnaissance par nos pairs et donc d’une validation forte de notre vision et de la pertinence de notre projet.
C’est aussi un encouragement à poursuivre nos efforts avec exigence, car ce prix nous inscrit dans une dynamique de confiance, de crédibilité renforcée, et d’ouverture à de nouvelles opportunités de collaboration.
Enfin, c’est un signal positif pour notre profession : il montre que les avocats(e)s peuvent aussi être des acteurs de l’innovation, capables de porter des projets utiles, solides et porteurs de sens.
Comment comptez-vous utiliser la dotation remportée et l’accompagnement pour la mise en œuvre de votre projet ? Quelles sont les prochaines étapes pour développer et déployer l’application afin qu’elle puisse concrètement impacter la profession ?
Nous comptons utiliser la dotation et l’accompagnement obtenus pour accélérer le déploiement d’AUDIRECT, en concentrant nos efforts sur trois axes prioritaires :
- renforcer notre développement technique : une partie de la dotation sera consacrée à l’optimisation des deux interfaces (MANDATEMENT et PLAIDOIRIE), pour garantir une expérience utilisateur fluide, sécurisée et conforme aux exigences déontologiques, notamment au regard de la confidentialité et du secret professionnel. Nous voulons offrir un outil robuste, ergonomique, et interopérable avec les outils déjà utilisés par les avocat(e)s ;
- structurer notre stratégie de déploiement territorial : grâce à l’accompagnement, nous souhaitons travailler avec les jeunes avocats(e)s, les Ordres et les réseaux d’avocat(e)s pour construire une dynamique collective autour de la plateforme. L’objectif est de démarrer avec des barreaux pilotes, d’y recueillir des retours utilisateurs concrets, et d’adapter le déploiement en fonction des besoins réels de la profession ;
- accroître notre visibilité et préparer notre levée de fonds : l’accompagnement nous aidera à affiner notre positionnement, notre modèle économique, et notre stratégie d’impact. Nous souhaitons mobiliser les avocat(e)s autour de notre projet, notamment dans le cadre de la proposition de création d’un fonds d’investissement porté par la profession pour soutenir des legaltechs utiles, conçues par et pour les avocat(e)s.
Les prochaines étapes
- l’expérimentation de la plateforme au sein d’un barreau test et dans une ou deux juridictions pilotes d’ici la rentrée ;
- l’organisation de groupes d’utilisateurs tests ;
- l’élargissement progressif à d’autres barreaux en 2026.