Du contrôle alimentaire aux prétoires : le parcours atypique de Nathalie Goutaland

Des débuts modestes dans la restauration rapide

Lorsque Nathalie Goutaland entre dans la vie active, elle n’a pas le baccalauréat en poche. Très vite, elle choisit l’indépendance et commence à travailler pour une grande chaîne de pizzerias, Pizza Hut. C’est là qu’elle découvre, presque par hasard, un univers qui marquera profondément sa trajectoire : la gestion du risque alimentaire.

Sur les postes de production, elle prend conscience des règles strictes qui encadrent la sécurité sanitaire. Une expérience marquante : voir une pizza destinée à la livraison être immédiatement jetée si le client ne la récupère pas. Ce geste, qui lui semblait à l’époque être du gaspillage, prenait tout son sens face aux enjeux de rupture de la chaîne du froid et de contamination alimentaire.

Les premières leçons de sécurité alimentaire

Au contact de cette organisation américaine, Nathalie Goutaland découvre un environnement très réglementé, avec des process précis, des protocoles d’hygiène et des affichages obligatoires. Son premier plan de nettoyage et désinfection, affiché dans la pizzeria, reste un souvenir fondateur. Ces « prémices » la conduisent à reprendre des études et à préparer un BTS Anabiotec (analyse agricole, biologique et biotechnologique) en alternance. Cette formation lui ouvrira la porte du concours d’inspecteur des services vétérinaires, un concours d’État exigeant mais porteur d’opportunités.

L’entrée dans l’inspection vétérinaire après la crise de la vache folle

Nous sommes à la fin des années 1990, en pleine crise de l’ESB, plus connue sous le nom de « vache folle ». Nathalie Goutaland fait partie des vagues de recrutement qui suivent ce scandale alimentaire. Sa formation, proche de celle dispensée en école vétérinaire sur les thématiques de sécurité alimentaire, l’arme pour ses premières missions : mise en place des tests systématiques sur les bovins abattus, retrait de certaines parties des carcasses et contrôle strict des risques de contamination.

Ces expériences, parfois difficiles, lui permettent d’apprendre à prendre des décisions rapides et lourdes de conséquences pour la santé publique. Comme elle le souligne, le travail en abattoir, bien que marqué par des conditions rudes (sang, cadence, pression), forge un sens aigu de la responsabilité et de l’efficacité.

Des contrôles en abattoir aux inspections itinérantes

Au fil de sa carrière, elle choisit de s’orienter vers le contrôle itinérant. Contrairement au vétérinaire attaché à un abattoir, elle parcourt commerces et industries pour évaluer la gestion du risque alimentaire. Chaque inspection est l’occasion de vérifier la chaîne du froid, de prélever des échantillons ou de s’assurer du respect des normes sanitaires. Une mission cruciale, notamment dans un contexte marqué par des crises alimentaires successives et une méfiance accrue du public envers la sécurité des produits de consommation.

L’apprentissage des pouvoirs de l’administration et la découverte du droit

En tant qu’inspectrice, Nathalie Goutaland n’a pas seulement développé une expertise technique en sécurité alimentaire. Elle a également découvert la portée des pouvoirs administratifs dont elle disposait : fermetures administratives, mises en demeure, interdictions de commercialisation, voire sanctions pénales en cas de manquements graves.

Ces responsabilités l’ont conduite à s’intéresser au droit public et droit pénal, domaines transversaux et essentiels pour comprendre les interactions entre administrations, commerçants et producteurs. Pourtant, elle constate que ce champ est largement ignoré par la profession d’avocat. Très peu d’opérateurs du secteur alimentaire sollicitent une défense juridique adaptée, faute de trouver des interlocuteurs spécialisés.

Une première rupture professionnelle : la réforme des DDPP

Alors qu’elle s’épanouissait dans son rôle, reconnue comme experte par la Direction générale de l’alimentation, un tournant majeur intervient en 2009-2010 : la création des Directions départementales de la protection des populations (DDPP). Cette réforme fusionne les services vétérinaires avec ceux de la répression des fraudes.

Deux cultures s’affrontent : celle, pédagogique et préventive, privilégiée par Nathalie Goutaland, et celle, plus répressive, des services de fraude. Refusant cette approche, elle choisit de demander sa mutation aux Antilles, où les deux services restaient séparés. Mais cette expérience ne répond pas à ses attentes et fait naître une conviction : il est temps d’explorer un nouveau projet professionnel, plus en phase avec ses valeurs.

La vocation d’avocate : un fil rouge depuis l’enfance

En réalité, le droit avait commencé à attirer Nathalie Goutaland bien avant cette réorientation. Ses formations continues en droit renforçaient déjà son intérêt, et ce choix s’imposait peu à peu comme une évidence. Elle raconte d’ailleurs une anecdote révélatrice : enfant, elle fut renvoyée de l’école primaire pour avoir dénoncé une situation injuste concernant son frère handicapé. Ce sentiment profond de défense et de justice a marqué son parcours et trouve un prolongement naturel dans le métier d’avocate.

Du rêve à la concrétisation : les études de droit et la naissance de LexAlim

En reprenant des études de droit à l’université, elle s’était fixée un objectif modeste : « obtenir un diplôme, un jour ». Pourtant, sa persévérance et son engagement l’ont conduite bien plus loin. Avec son compagnon, spécialiste de la prévention des risques dans le secteur industriel, elle élabore un projet ambitieux : créer un cabinet d’avocats dédié spécifiquement au risque alimentaire.

C’est la naissance de LexAlim, une structure originale et transversale qui combine plusieurs approches :

  • conseil juridique et accompagnement des entreprises du secteur agroalimentaire,
  • mise en conformité réglementaire,
  • formation,
  • gestion de crise en cas de problème sanitaire ou réglementaire.

AvocAlim : un réseau pour structurer une spécialisation nouvelle

Avec LexAlim, Nathalie Goutaland ne s’est pas arrêtée à l’accompagnement individuel des entreprises. Elle a poursuivi une vision plus large : créer une véritable spécialisation dans le droit de la sécurité alimentaire. Constatant l’absence d’une telle reconnaissance dans la profession d’avocat, elle fonde une troisième entité : AvocAlim, un réseau d’avocats intéressés par ces thématiques.

Ce réseau favorise le partage de compétences, l’échange d’expériences et la montée en expertise des confrères. Certains y entrent sans avoir encore développé de pratique approfondie en droit alimentaire, mais tous partagent une même volonté : progresser et se former dans ce domaine où les besoins sont croissants.

La combinaison du droit et de la technique

Le parcours de Nathalie Goutaland met en lumière un point essentiel : pour traiter efficacement les dossiers liés à la sécurité alimentaire, il faut allier compétence juridique et compréhension technique. Les avocats du domaine doivent être capables d’appréhender des notions de microbiologie, de toxicologie ou de risques chimiques.

Cette approche pragmatique se traduit parfois par des immersions proposées aux jeunes recrues dans des usines agroalimentaires, afin qu’elles comprennent concrètement les réalités de production. Une démarche qui illustre la conviction de Nathalie Goutaland : le droit doit rester au service du métier et de la protection du consommateur.

Une aventure entrepreneuriale en pleine expansion

Aujourd’hui, le cabinet fondé par Nathalie Goutaland et son compagnon connaît un fort développement. Après s’être recentré sur Lyon, il compte deux associés et s’apprête à accueillir trois nouveaux avocats. Cette croissance témoigne de la pertinence de leur positionnement, au croisement du droit, de la prévention des risques et de l’accompagnement opérationnel.

Si l’enseignement du Yoseikan Budo, discipline qu’elle a longtemps pratiquée et transmise, a dû être mis de côté, l’esprit de pédagogie et de transmission demeure au cœur de ses projets professionnels.

Un parcours inspirant pour la profession

En quelques années, Nathalie Goutaland a réussi un pari audacieux : transformer une expérience d’inspectrice en abattoir et en contrôle alimentaire en une véritable carrière d’avocate spécialisée, au service d’un secteur encore peu investi par le monde juridique.

Son témoignage illustre à quel point la curiosité, la transversalité et l’engagement peuvent ouvrir la voie à de nouvelles pratiques professionnelles. Et son ambition de structurer une spécialisation reconnue en droit de la sécurité alimentaire pourrait bien marquer durablement l’évolution de la profession d’avocat en France.

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