Les entreprises doivent-elles redouter la future loi de transposition de la directive européenne sur la transparence salariale ? Quels sont les changements majeurs induits par ce texte, à la fois pour les entreprises et pour les salariés ? Comment les entreprises doivent-elles s’y préparer ? Telles sont les questions posées à Leslie Nicolaï, avocate associée et cofondatrice du cabinet Factorhy avocats, alors qu’une concertation des partenaires sociaux vient d’être lancée et qu’un projet de loi de transposition devrait être déposé cet automne, selon les annonces récentes du ministère du Travail. Rappelons que la directive doit être transposée en droit français au plus tard le 7 juin 2026.

Alors, on va parler de la directive européenne sur la transparence salariale. Est-ce que les entreprises doivent-elles craindre la future loi de transposition de cette directive ?

Plutôt que de la craindre, je pense qu’il est impératif de l’anticiper. Cette directive va marquer un changement en profondeur des pratiques en matière salariale dans les entreprises à plusieurs niveaux, notamment en lien avec l’obligation de communiquer de manière beaucoup plus large sur les niveaux de rémunération, la manière dont elles sont fixées et la structure de la rémunération. Il faut voir cette directive comme une opportunité de retravailler les politiques de rémunération, ce qui permettra de fidéliser les employés, d’attirer de nouveaux talents, de valoriser la marque employeur et surtout de prévenir les contentieux en lien avec l’inégalité de traitement.

Quels seront les changements majeurs induits par cette directive à la fois pour les entreprises et pour les salariés ?

Il va y avoir pas mal de changements, surtout en matière de structuration de la donnée RH et de la donnée paye. Le changement le plus majeur est un renforcement du droit à l’information pour plusieurs populations :

  • Les candidats : les offres d’embauche devront désormais inclure des informations sur la rémunération ou une fourchette de rémunération. Les employeurs n’auront plus le droit de demander aux candidats leur historique de rémunération.
  • Les salariés : ils auront le droit de demander et recevoir des informations sur leur rémunération individuelle et sur la moyenne de rémunération pour des emplois de même valeur au sein de l’entreprise. Les entreprises devront informer chaque année les salariés de ce droit.
  • La Haute Autorité administrative : en France, ce peut être le Haut Conseil des rémunérations qui recevra des informations périodiques sur les indicateurs de rémunération.
  • Les représentants du personnel : en France, le CSE sera associé à ces indicateurs. Les employeurs devront donner accès aux méthodologies utilisées pour déterminer les différents indicateurs. Il y aura ainsi une consultation sur l’exactitude des données.

Ces informations seront beaucoup plus parlantes que celles de l’Index égalité professionnelle actuel. Les entreprises devront aussi afficher ces nouveaux indicateurs sur leur site internet, ce qui poussera à respecter ces principes d’égalité.

Comment les entreprises doivent-elles se préparer à cette directive ?

La première étape est de structurer la data RH en triant les populations par emploi de même valeur et en mettant en conformité ces données. La deuxième étape est de repenser la politique de rémunération pour moins d’arbitraire et plus de justification et traçabilité des décisions en matière de rémunération. Enfin, il faut accompagner le changement à tous les niveaux de l’entreprise, avec notamment la Direction générale, la Direction communication, la direction financière et surtout les ressources humaines. Il est essentiel de former les managers en matière d’évaluation des salariés et de traçabilité des décisions pour éviter les écarts de rémunération. Un écart de 5% des rémunérations déclenchera une évaluation conjointe des rémunérations avec les représentants du personnel.